Pr Daniel Floret
(CTV) professeur émérite de pédiatrie à l’Université Claude Bernard de Lyon
Que pensez-vous des initiatives du CIC de vaccinologie de l’hôpital Cochin ?
Il me semble réellement très important que des acteurs académiques soient capables de mener des essais cliniques sur les vaccins. Il y en a très peu en France et le CIC piloté par la professeure Odile Launay en est un parfait exemple. Dans les essais cliniques lancés pour mettre au point un nouveau vaccin, ne sont incluses que des personnes saines et nous manquons encore aujourd’hui de données sur des populations particulières, qui potentiellement peuvent, justement, avoir davantage besoin de ce vaccin. C’est chez eux précisément qu’il faut voir si le vaccin fonctionne, s’il est bien toléré ou pas. Je pense en particulier aux immunodéprimés. Les recommandations du Comité technique des vaccinations pour ces populations ne s’appuient pratiquement que sur des avis d’experts, car il n’y a quasiment pas d’essais cliniques dans ce domaine. L’industrie pharmaceutique ne prend habituellement pas en compte ce type de population c’est donc la mission au monde académique de réaliser ce type d’études. Le monde hospitalo- universitaire a accès à des malades et c’est précisément dans les hôpitaux que ces essais, qui n’intéressent pas l’industrie, peuvent être menés. Cela manque beaucoup et le CIC de vaccinologie de l’hôpital Cochin est assez unique dans ce domaine. Comment vacciner des personnes atteintes de leucémie ? Quand les vacciner avec quels vaccins ? Quels sont ceux que les professionnels peuvent utiliser ? Nous avons besoin de données scientifiques pour y répondre et la recherche académique et la seule à pouvoir les établir.
Quels sont les principaux progrès enregistrés depuis ces cinquante dernières années, quiprofitent aujourd’hui à tous ?
On protège aujourd’hui contre la diphtérie, le tétanos, la polio, la coqueluche l’hépatite B, la rougeole, la rubéole, les oreillons, le pneumocoque, l’hémophilus, le rotavirus, le papillomavirus et la grippe. Une douzaine de vaccins sont disponibles, mais aujourd’hui, les informations outrancières qui circulent sur les risques poussent des gens qui ne se posaient pas de questions, à avoir des doutes. Aujourd’hui, il faut garder à l’esprit les immenses progrès réalisés dans ce domaine. L’incidence des maladies infectieuses en dit long. La polio a quasiment disparu, le tétanos se résume à quelques cas à quelques dizaines de cas par an. Les méningites à pneumocoque ont diminué de 33 % chez les nourrissons. Les 500 000 cas de rougeole qui généraient une centaine d’encéphalites avec des décès et des séquelles se résument maintenant à quelques centaines de cas par an. La coqueluche n’a pas disparu, mais les centaines de milliers de cas se réduisent aujourd’hui à quelques centaines de cas par an et cela grâce aux vaccins.
Pourquoi vous semble-t-il si important de poursuivre les essais sur les vaccins ?
Connaître et comprendre les mécanismes des vaccins nous permet d’avancer. Les prochains vaccins à venir sont ceux de la dengue et vraisemblablement du paludisme. Nous ne disposons de rien contre l’hépatite C, concernant Ebola deux vaccins sont en essai clinique. Nous ne disposons de rien concernant le cytomégalovirus (ou CMV). Ce virus responsable d’infections passant le plus souvent inaperçues et dont le caractère pathogène se manifeste surtout chez des patients dont les défenses immunitaires sont affaiblies. Il s’agit des personnes traitées par immuno-suppresseurs ou atteintes par le sida. L’infection à cytomégalovirus chez la femme enceinte peut provoquer des lésions chez le fœtus. Il s’agit de l’infection fœtale congénitale la plus fréquente dans les pays industrialisés. Ce vaccin paraît, encore aujourd’hui, bien compliqué à mettre au point. Globalement nous sommes en train de sortir de la stricte prévention des maladies infectieuses. La sécurité des vaccins s’est beaucoup améliorée et ceux qui sont mis au point aujourd’hui sont ciblés sur l’antigène choisi. Il n’y a plus d’impuretés. Le plus bel exemple est celui du vaccin contre la coqueluche. Sa tolérance est sans commune mesure avec le vaccin de première génération comportant la bactérie entière. Mais la recherche doit aussi faciliter l’accès aux vaccins au plus grand nombre. Les nouveaux vaccins sont très chers et il y a aussi des progrès à réaliser pour que les vaccins reviennent moins chers. Leur prix ne doit pas devenir un obstacle.