Ils parlent de nous
- Questions au Pr Daniel Floret, Président du comité technique des vaccinations (CTV) professeur émérite de pédiatrie à l’Université Claude Bernard de Lyon.
- Questions au Pr Philippe Sansonetti, professeur au Collège de France, Professeur à l’Institut Pasteur, Directeur de l’Unité de Pathogénie Microbienne Moléculaire, Unité INSERM 1202, Institut Pasteur.
Pr Daniel Floret, Président du comité technique des vaccinations (CTV) professeur émérite de pédiatrie à l’Université Claude Bernard de Lyon.
Que pensez-vous des initiatives du CIC de vaccinologie de l’hôpital Cochin ?
— DF : « Il me semble réellement très important que des acteurs académiques soient capables de mener des essais cliniques sur les vaccins. Il y en a très peu en France et le CIC piloté par la professeure Odile Launay en est un parfait exemple. Dans les essais cliniques lancés pour mettre au point un nouveau vaccin, ne sont incluses que des personnes saines et nous manquons encore aujourd’hui de données sur des populations particulières, qui potentiellement peuvent, justement, avoir davantage besoin de ce vaccin. C’est chez eux précisément qu’il faut voir si le vaccin fonctionne, s’il est bien toléré ou pas. Je pense en particulier aux immunodéprimés. Les recommandations du Comité technique des vaccinations pour ces populations ne s’appuient pratiquement que sur des avis d’experts, car il n’y a quasiment pas d’essais cliniques dans ce domaine. L’industrie pharmaceutique ne prend habituellement pas en compte ce type de population c’est donc la mission au monde académique de réaliser ce type d’études. Le monde hospitalo-universitaire a accès à des malades et c’est précisément dans les hôpitaux que ces essais, qui n’intéressent pas l’industrie, peuvent être menés. Cela manque beaucoup et le CIC de vaccinologie de l’hôpital Cochin est assez unique dans ce domaine. Comment vacciner des personnes atteintes de leucémie ? Quand les vacciner avec quels vaccins ? Quels sont ceux que les professionnels peuvent utiliser ? Nous avons besoin de données scientifiques pour y répondre et la recherche académique et la seule à pouvoir les établir. »
Quels sont les principaux progrès enregistrés depuis ces cinquante dernières années, quiprofitent aujourd’hui à tous ?
— DF : « On protège aujourd’hui contre la diphtérie, le tétanos, la polio, la coqueluche l’hépatite B, la rougeole, la rubéole, les oreillons, le pneumocoque, l’hémophilus, le rotavirus, le papillomavirus et la grippe. Une douzaine de vaccins sont disponibles, mais aujourd’hui, les informations outrancières qui circulent sur les risques poussent des gens qui ne se posaient pas de questions, à avoir des doutes. Aujourd'hui, il faut garder à l’esprit les immenses progrès réalisés dans ce domaine. L’incidence des maladies infectieuses en dit long. La polio a quasiment disparu, le tétanos se résume à quelques cas à quelques dizaines de cas par an. Les méningites à pneumocoque ont diminué de 33 % chez les nourrissons. Les 500 000 cas de rougeole qui généraient une centaine d’encéphalites avec des décès et des séquelles se résument maintenant à quelques centaines de cas par an. La coqueluche n’a pas disparu, mais les centaines de milliers de cas se réduisent aujourd’hui à quelques centaines de cas par an et cela grâce aux vaccins. »
Pourquoi vous semble-t-il si important de poursuivre les essais sur les vaccins ?
— DF : « Connaître et comprendre les mécanismes des vaccins nous permet d’avancer. Les prochains vaccins à venir sont ceux de la dengue et vraisemblablement du paludisme. Nous ne disposons de rien contre l’hépatite C, concernant Ebola deux vaccins sont en essai clinique. Nous ne disposons de rien concernant le cytomégalovirus (ou CMV). Ce virus responsable d’infections passant le plus souvent inaperçues et dont le caractère pathogène se manifeste surtout chez des patients dont les défenses immunitaires sont affaiblies. Il s’agit des personnes traitées par immuno-suppresseurs ou atteintes par le sida. L’infection à cytomégalovirus chez la femme enceinte peut provoquer des lésions chez le fœtus. Il s’agit de l’infection fœtale congénitale la plus fréquente dans les pays industrialisés. Ce vaccin paraît, encore aujourd’hui, bien compliqué à mettre au point. Globalement nous sommes en train de sortir de la stricte prévention des maladies infectieuses. La sécurité des vaccins s’est beaucoup améliorée et ceux qui sont mis au point aujourd’hui sont ciblés sur l’antigène choisi. Il n’y a plus d’impuretés. Le plus bel exemple est celui du vaccin contre la coqueluche. Sa tolérance est sans commune mesure avec le vaccin de première génération comportant la bactérie entière. Mais la recherche doit aussi faciliter l’accès aux vaccins au plus grand nombre. Les nouveaux vaccins sont très chers et il y a aussi des progrès à réaliser pour que les vaccins reviennent moins chers. Leur prix ne doit pas devenir un obstacle. »
Pr Philippe Sansonetti, professeur au Collège de France, Professeur à l’Institut Pasteur, Directeur de l’Unité de Pathogénie Microbienne Moléculaire, Unité INSERM 1202, Institut Pasteur.
Comment Cochin et Pasteur sont-ils devenus partenaires dans la recherche sur les vaccins ?
— PS : « L’action concertée entre Cochin et Pasteur a démarré en 1998 dans le domaine des maladies infectieuses. Avec Jean-Paul Lévy qui s’intéresse de près au VIH nous avions eu l’idée de ce centre de vaccinologie. À Pasteur, nous étions sur le point de fermer l’hôpital et pour développer la recherche, nous avions besoin de garder cette activité médicale et translationnelle. Aujourd’hui, ce partenariat repose sur des projets communs. Un projet vaccinal n’est pas seulement de recruter des volontaires et de les immuniser. La vaccinologie est un ensemble de réflexions, de discussions et d’évaluation des possibilités dont on dispose. Ces échanges d’informations entre Cochin et Pasteur sur la vaccination, en particulier aux âges extrêmes de la vie, permettent de faire progresser la connaissance. Depuis 2010, j’ai obtenu la coordination d’un réseau important nommé Stopenterics, financé par l’Union européenne qui fait partie d’un programme de prévention des maladies infectieuses négligées dans les pays en voie de développement. Dans ce cadre, il est très important pour nous de s’appuyer sur les compétences extrêmement spécialisées de l’équipe du CIC Cochin Pasteur dans les essais cliniques vaccinaux. »
Quel est le rôle de la recherche publique dans ce domaine ?
— PS : « Ce CIC-Cochin-Pasteur est l’unique centre académique en France dédié aux vaccins et il me paraît très important que cette structure puisse se développer. On ne peut pas laisser toute la responsabilité de la recherche vaccinale au secteur industriel qui s’investit peu dans le domaine des maladies dites "négligées" du fait de sa faible profitabilité. Il est donc du devoir des acteurs académiques de s’en emparer. Les partenaires industriels peuvent cependant s’y réinvestir à un stade plus avancé lorsque la preuve du concept a été apportée. Pour ce faire, la recherche vaccinologique académique doit développer de nouveaux paradigmes de financement incluant en particulier l’Union européenne, c’est le modèle de STOPENTERICS, ainsi que de grandes fondations comme la Fondation Bill et Melinda Gates aux USA, ou le Wellcome trust au Royaume-Uni. Nous avons besoin en France de ce centre de vaccinologie Cochin-Pasteur située à l’hôpital Cochin pour donner de la visibilité et de la crédibilité à nos actions et efficacement lancer ces développements et ces recherches tout à fait essentielles. »
Comment développer ces activités et dans quel but ?
— PS : « L’association Cochin Pasteur donne une bonne visibilité à ce centre qui a besoin d’un coup de projecteur, d’une success-story qui a toutes les chances d’arriver si on lui en donne les moyens. Les essais sur la tolérance des vaccins (phases 1) ne représentent cependant pas le stade idéal pour démontrer globalement qu’un vaccin fonctionne. Il faut en effet aller vérifier l’efficacité sur le terrain. Donc, pour le futur, ce centre doit-il se cantonner à la vaccinologie d’amont ? Je n’en suis pas sûr. Il faudra à un moment donné décider — et la décision est politique et financière — de se projeter sur le terrain avec les moyens d’assurer une vraie filière de santé publique offrant la capacité à un vaccin d’arriver jusqu’à la preuve finale du concept. Il faut des moyens,des programmes, des projets et de la visibilité : ce qui est loin d’être simple à réunir dans le contexte économique contraint des hôpitaux. Il faut prévoir de changer d’échelle et pour le permettre il faut que l’AP-HP et l’Institut Pasteur réalisent le potentiel de ce Centre et l’accompagnent dans son développement au plus haut niveau. »
Quelles sont les perspectives de ce centre unique en France ?
— PS : « Il y a un vrai renouveau de la vaccinologie en France et il y a un intérêt croissant au niveau académique pour l’immunologie humaine. C’est une opportunité à saisir. Les vaccins sont aussi remis en question, c’est une évolution sociétale que l’on peut déplorer, mais c’est un fait. Il faut en tenir compte et les améliorer pour se rapprocher du risque zéro afin d’en améliorer l’acceptabilité. Le Centre a un rôle à jouer en mettant l’essai clinique au centre de la société, en montrant la rigueur avec laquelle les essais sont conduits, en assurant une vraie pédagogie vaccinologique auprès de la population. Il faut aussi suivre la tendance à la diversification et à la personnalisation des vaccins du futur. Les choix du Centre vers la vaccination aux âges extrêmes de la vie et chez les immunodéprimés sont typiques de cette tendance et doivent être encouragés. L’avenir des vaccins doit se raisonner sur une base internationale, en particulier européenne pour ce qui nous concerne. La disponibilité de centres d’études de haut niveau comme le Centre Cochin-Pasteur est un atout pour convaincre la Commission européenne et nos gouvernants d’investir dans les vaccins qui restent l’outil le plus rentable en santé publique. D’autres centres existent, notamment au Royaume-Uni. Ils sont tout à fait performants, mais la qualité des prestations du Centre Cochin-Pasteur n’a pas à rougir. La stabilité de ses personnels médicaux et techniques, la qualité de l’environnement qu’offrent l’Hôpital Cochin et l’Institut Pasteur représentent un atout que nous avons apprécié lorsqu’en 2008 nous avons mené un essai vaccinal associant le Centre Cochin-Pasteur et un Centre londonien.
Nous disposons donc d’un Centre de très haute valeur ajoutée, ce qui me permet d’affirmer aujourd’hui que ce Centre de vaccinologie Cochin-Pasteur réunit est une ressource unique et une richesse pour la France et l’Europe. »